Les mots surlignés font l'objet d'une note
1Monseigneur, je revins hyer de Suze, où j’estoys allé en partie
2pour entendre si ceulx de Pragella faisoyent provision d’armes et
3de pouldre comme l’on m’avoyt dit ; ce que j’ey veriffié par ung qui
4leur a vendu deux quintaulx de pouldre, et en sont allé cherché
5davantaige en Piedmont. Aussi j’advertiz le cappitaine du chasteau dudit Suze
6de quelques armes qu’ilz avoyent acheptez, qui les feist suivre et saisir
7à aulcuns quelques arquebuses en chemin. Et n’a guières que ceulx
8de ladite valée m’envoyarent ung consul avec ung present de
9deux beaux motons pour descouvrir de moy s’ilz auroyent
10dangier ; ce que luy remonstrais sellon mon oppinion le mieulx qu’il
11feust possible, mesmes qu’ilz avoyent besoing de cesser les presches,
12à quoy n’ey peu cognoistre qu’ilz ayent volunté de s’en desister. Et,
13comme plusieurs des principaulx d’eulx qui me vindrent aussi veoir à Suze
14m’ont descouvert, ilz ne treuvent poinct qu’ilz puissent estre
15maistres de ce fère. Et quand tout est dit, tous sont de ceste
16resolution. Au demeurant disent voulloir obeyr en tout et par tout au roy.
17Et du reste, promectront prou mais n’en feront rien, tellement
18que ne voys autre expedient pour les bien reduyre que
19de suivre l’ordre que avoit esté prins à Orleans, comme appert
20par arrest du conseil privé du temps du dernier roy Françoys,
21qu’estoit de y fère deux fortz, pour quelle occasion monsieur de
22Maugiron avoit lors en charge de lever deux mil hommes oultre
23les communes, et je avoys esté nommé gouverneur desdits fortz ;
24quoy advenant m’en recommande humblement à votre bon plaisir.
25Quand d’aller dans la valée pour y attrapper quelque ministre,
26suivant ce qu’il vous a pleu m’escripre par vostre dernière de Laval,
27je le ferey très voluntiers, mais il me semble que pour cella
28ne se reduyront, et m’asseure qu’il fauldra combattre,
29car ilz y font garde et preschent en cinq ou six lieuz,
30si bien que ayant cherché de attrapper l’ung, les autres
31demeurront en estre ; ou bien ilz fauldroit avoir
32[V°] grand nombre de gens pour donner par plusieurs coustez,
33ce que mal aysement se pourroit fère qu’ilz ne feussent advertiz
34pour gaigner Engrongne et retorneroyent au bout de quelque
35temps, que seroit tousjours à recomencer. Mais ayant
36une bride, ilz se volteront comme plaira au maistre.
37Toutesfoys, j’en actendz encores votre bon advis et
38comandement, que je ne manquerey, Dieu aydant, de mectre
39en exequution de tout mon possible. Au reste, j’ey faict
40la reverence à monsieur le cardinal Orsin, seigneur bien
41amyable et vertueux qui passast avant-hyer à Suze
42avec quarante cinq chevaulx à demye poste. Il s’en va légat
43en France avec plaine puissance comme s’il y estoit pape. Je
44le feuz rencontrer à Sainct Joyre et l’acompagnis jusques
45à La Nouvalèze avec aucune troppe. Je m’enquis de luy,
46entre autres choses de la victoire de laquelle je avoys
47escript à monseigneur d’Ambrun mentionnée en votredite lettre, et
48m’a dit que pour certain on la tint vraye à Rome plus de quatre
49jours, et puys l’on a treuvé que ce feust ung auteur qui
50la controva pour acompaigner et favoriser de plus les
51nouvelles de Paris qui leur sont estez tant agréables
52que ne se peult dire. Ilz commencent maintenant en Italie
53de parler d’ung aultre langaige qu’ilz ne faisoyent naguières.
54Bien dit ledit seigneur cardinal que les armées s’estoyent
55comparues, mais l’on ne scays encores ce que sera advenu
56et le Turc est bien fort nonobstant sa dernière perte.
57Les soldatz françoys s’en reviennent tous bien pouvres et
58malades et beaucoup y sont demeurez. N’ayant autre chose
59de nouveau pour vous escripre, s’il n’est que aulcuns des ministres
60qui continuent le presche en Pragella nonobstant l’edit de sa
61magesté ont des biens par-deçà, parquoy si vous le treuviés
62[324] bon, mon oppinion seroit les fère sequestrer par justice pour
63leur donner à cognoistre qu’il fault obeyr ; et vous plaira nous
64en comander votre bone volunté, vous suppliant très humblement
65au demeurant, tochant à nous payes du passé, voulloir continuer
66d’en recharcher à la court et à monsieur du Chastellart,
67et s’il vous plaist nous fère bailler les deux cartiers
68derniers, car monsieur de Leonne est fort difficille.
69Sur ce, je prierey le Createur,
70Monseigneur, vous voulloir donner en bonne santé
71très longue et très heureuse vie. D’Exilles, ce XXVIIe
72septembre 1572.
73Votre très humble et
74très hobeissant serviteur.
75La Casette
76Monseigneur, il vous plaira avoir esgard
77sus la forniture du boys de la garde,
78car ne moy, ne les soldatz ne scaurrions
79quel ordre y mectre avec si peu d’estat
80que nous avons, et n’a jamais esté
81que l’on n’ayt forni aux autres cappitaines
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